Monsieur le Premier Ministre,
Depuis bientôt deux ans, plusieurs dizaines de parfois très jeunes mineur·e·s isolé·e·s vivent dans le quartier de la Goutte d’or du 18e arrondissement de Paris. Agé·e·s de 10 à 17 ans, sans domicile fixe et non scolarisé·e·s, elles et ils dorment à la rue, souffrent d’addiction à la drogue (colle, ecstasy, médicaments…), commettent des larcins et des actes de violences contre des passant·es ou entre elles et eux-mêmes, et sont particulièrement vulnérable à tous types de prédateurs et autres réseaux de criminalité. La situation dans le quartier est devenue intenable et demeure extrêmement volatile. Leurs propres santé et sécurité ainsi que les conditions de leur éducation et de leur développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises.
Tous les acteurs locaux ont été pris au dépourvu par ce phénomène relativement récent en France, mais qui est, de l’avis des professionnel·le·s, en passe de devenir structurel. La Ville de Paris a missionné il y a 9 mois le centre d’action sociale protestant (Casp) pour intervenir auprès de ces mineur·e·s. L’association contribue fortement à permettre à ces jeunes de s’accrocher à un parcours et de rassurer les riverain·es. Cependant, son action n’est pour l’instant pas pérennisée puisque le financement engagé par la Ville ne court que sur un an. Cela limite ses capacités de recrutement ainsi que l’établissement d’un projet durable pour sortir ces enfants de la rue. Il est impératif que l’Etat abonde dans le budget de cette action pour lui permettre de se déployer à hauteur des besoins repérés sur le territoire.
Plus globalement, face à une situation qui s’est installée et perdure, c’est désormais à l’Etat de prendre ses responsabilités. Cela doit se faire dans un cadre d’action interministériel qui prenne en compte l’ensemble des dimensions touchant la vie de ces enfants : la santé, pour leur permettre d’accéder aux soins de la manière la plus fluide possible, la Justice, pour protéger ces enfants par le biais de mesures éducatives, la Protection de l’enfance, pour mettre à l’abri ces jeunes qui n’ont rien à faire à la rue et nécessite un travail d’éducation spécialisée soutenu.
Par ailleurs, il est nécessaire qu’une collaboration entre territoires français s’organise. En effet, ces jeunes sont très mobiles et circulent entre différents départements. Une coopération des départements permettrait d’assurer le suivi de ces jeunes et d’homogénéiser les pratiques à leur égard. Cette injonction se pose aussi à l’échelon européen : les jeunes passent fréquemment de pays en pays.
En ma qualité de députée de la 17e circonscription de Paris particulièrement touchée par cette situation, j’ai déjà eu l’occasion d’alerter le gouvernement à ce sujet dans le cadre d’une question écrite au ministre de l’Intérieur le 26 septembre 2017. Ma question est jusqu’ici restée sans réponse. Je m’adresse donc solennellement à vous, monsieur le Premier ministre, à la suite d’autres élu·es de la République, pour vous appeler à une prise de conscience concernant la réalité de ces enfants et du quartier. Je me tiens à votre disposition pour échanger avec vous à ce sujet.
Dans l’attente d’une réponse rapide de votre part, je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de ma considération insoumise et distinguée.