Question écrite – Santé
Gestion discriminatoire de la pénurie d’Androtardyl pour les personnes trans
13 juin 2019
Question écrite de Danièle Obono à la ministre de la santé Agnès Buzyn, publiée au Journal officiel le 11/06/2019, page : 5304
Mme Danièle Obono interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la gestion discriminatoire de la pénurie d’Androtardyl. L’Androtardyl, produit par le laboratoire Bayer, est le nom commercial de la testostérone. C’est un médicament indispensable pour les personnes ayant un déficit en testostérone, notamment des suites d’un cancer, ou ayant entamé un parcours de transition de genre.
Un retard de prise de traitement peut entraîner des conséquences psycho-physiques graves, telles que bouffées de chaleur, fatigue importante, maux de tête violents. Une interruption plus longue peut entraîner le développement d’ostéoporose et de maladies cardiovasculaires, mais aussi angoisse et dépression. Or selon de nombreuses associations telles que l’association de défense des droits des personnes trans Acceptess-T ou encore Aides, l’Androtardyl fait l’objet de pénuries régulières, avec deux occurrences successives en 2018 et une nouvelle début 2019. Une telle régularité de pénuries serait à imputer à des stratégies industrielles abusives (comme la tendance à n’avoir qu’une source unique de production de matières premières et principes actifs afin de réduire les coûts), ou économiques (comme l’arrêt de commercialisation de « vieux » médicaments jugés non assez rentables pour l’industrie, alors que des patients en ont besoin).
À cette situation déjà problématique s’ajoute la discrimination à laquelle font face les personnes trans dans l’accès à ce médicament. Suite à la dernière pénurie, la Société française d’endocrinologie et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ont en effet recommandé de réserver les stocks d’Androtardyl aux patients ayant « un réel déficit en testostérone », ou « hypogonadisme sévère » c’est-à-dire une insuffisance de la production hormonale par les testicules. Ce qui exclut les hommes trans. La raison avancée est que l’Androtardyl a été mis sur le marché pour des patients hommes cisgenre ou personnes intersexes, que sa prescription pour des parcours de transition se fait « hors AMM (autorisation de mise sur le marché », donc sous la responsabilité du médecin traitant.
Pourtant, l’Androtardyl est aujourd’hui la seule forme commercialisée de testostérone qui soit prise en charge par la sécurité sociale. C’est donc la double peine pour les hommes trans. D’une part avant commercialisation ils n’ont pas été considérées comme public cible du médicament et donc tout n’a pas été fait pour s’assurer qu’il soit adapté à leur corps. Ensuite ils font face au refus de certains médecins de leur prescrire le traitement puis de certaines pharmacies de leur délivrer les stocks restants, ce qui constitue une discrimination en fonction de l’identité de genre.
Elle souhaite donc savoir ce que le Gouvernement compte mettre en place pour mettre fin à cette série d’aberrations médicales discriminatoires, afin de s’assurer qu’il soit proposé une testostérone véritablement adaptée aux parcours de transition et remboursée par la sécurité sociale, que l’État impose aux laboratoires un approvisionnement constant des produits existants et qu’en aucune circonstance, une directive discriminatoire ne soit envoyée aux acteurs de santé en cas de pénurie.